La condition de Jérôme Bonnell

La condition

Un film de Jérôme Bonnell

Vendredi 12 décembre 2025 à 20h30

(sorti 10 décembre 2025 - France - 1h43)

Présentation et débat en présence de l'équipe du Festival International du Film de Muret de novembre 2025.  Présentation de l'écrivaine Léonor de Récondo par Hella FAUST du Prix du Jeune Ecrivain (PJE).

Synposis : C’est l’histoire de Céleste, jeune bonne employée chez Victoire et André, en 1908. C’est l’histoire de Victoire, de l’épouse modèle qu’elle ne sait pas être. Deux femmes que tout sépare mais qui vivent sous le même toit, défiant les conventions et les non-dits.


A propos du film :

La relation complexe et violente entre les personnages est un thème central du film. Jérôme Bonnell s'intéresse particulièrement à la manière dont la société façonne les relations entre hommes et femmes. Il met en avant cette "bonne conscience" masculine qui cache une grande violence, un thème qu'il traite sans porter de jugement simpliste, et en cherchant à complexifier chaque personnage.
Au départ, Jérôme Bonnell hésitait à s'emparer du roman en raison de son style "très XIXème siècle". Il craignait de ne pas pouvoir réinterpréter ces thèmes au prisme des préoccupations actuelles. C'est après s'être autorisé quelques libertés, et même "trahir un peu" le texte original, qu'il a trouvé une manière d'adapter le livre tout en conservant les enjeux modernes.





Interview Jérôme Bonnel:

Le tout début du XXème siècle est une période où l’idée du « rang » pesait encore beaucoup dans la bourgeoisie, qui était devenue la nouvelle aristocratie, avec un retour brutal de la morale de la religion, balayant les belles idées des Lumières. Un monde conformiste, très hypocrite où, vu de loin, le vernis semble joli et harmonieux, mais dès que l’on s’approche et que l’on gratte, apparaît une violence sans nom. Cette bourgeoisie-là nous a formé. De génération en génération, elle nous a donné la mauvaise habitude de nous taire, de sauver les apparences. Et c’est loin d’être fini, nous n’en sommes toujours pas affranchis. Certes, la libération des mœurs s’en est mêlée entre-temps, mais elle nous a aussi tendu beaucoup de pièges. Et nous le payons aujourd’hui. 

J’ai d’abord imaginé un décor. Et puis, au fil du travail et sans l’avoir préétabli, je me suis surpris à écrire un huis clos. Il me paraissait naturel d’étouffer avec mes personnages, de ne jamais quitter ces murs, sauf à quelques exceptions. Le décor que je me figurais, conforme aux habitations de l’époque, était déjà très narratif en lui-même, avec le personnel en bas dans la cuisine, ou alors tout en haut dans les chambres de bonnes, et les bourgeois entre les deux. Comme si ces lieux étaient originellement conçus par la circulation du non-dit et de l’ignorance. Mais pour être franc, j’avais peur des limites du cinéma avec ce genre de sujet. Peur de faire un film binaire qui distribue les bons et les mauvais points, ce qui est un risque dès qu’on parle d’impunité et d’injustice. J’ai très vite tenu à ce que l’on s’identifie à tous les personnages, quels qu’ils soient. Au sens tragique.

Mettre en lumière les ténèbres de l’âme. Qu’on ne soit jamais dans une vision confortable de la violence, ni dans un genre de récit qui ne ferait que prêcher des convaincus, ou seulement nous indigner. Nous sommes dans un univers aussi conformiste qu’ignorant, qui ne laisse aucune place au moindre abandon, ni à la moindre naissance d’une chose un peu lumineuse, à moins qu’elle soit dissimulée. Et cet amour-là est d’autant plus fort (et ne peut exister que) parce qu’il est caché. Aux yeux des autres, mais aussi aux miens, d’une certaine manière. Comme si une partie de leur histoire se devait d’échapper à l’emprise de la caméra. Une façon pour moi de trouver une délicatesse dans la forme qui soit le prolongement de la leur. Cette délicatesse est leur seul recours, mais elle est aussi une arme, elle leur donne de la force.


Aucun commentaire :